Page:Académie française - Recueil des discours, 1890-1899, 2e partie, 1900.djvu/478

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pagne « contre l’amour courant, qui est en voiture, au bal, qui rit pendant, qui se plaint après, qui recommence et qui, sous cette double forme : prostitution, adultère, mine peu à peu la famille, sans qu’on s’en aperçoive, comme les rats minent une maison à l’insu des locataires ». Et il ajoute : « Je suis las d’entendre toujours répéter les mêmes sophismes, les mêmes subtilités, touchant cette vieille question, et j’ai voulu, avant de mourir, me donner la joie d’imprimer la vérité toute nue… » Ces lignes sont datées du mois de décembre 1867, il y a précisément trente années. Elles résumaient l’œuvre de Dumas à cette date, elles résument cette œuvre depuis cette date, et leur sévérité toute chrétienne fait comprendre qu’il ait pu s’écrier, au cours d’une conversation avec le généreux évêque d’Orléans : « S’il n’y avait que des croyants comme vous et des hérétiques comme moi, Monseigneur, l’entente se ferait vite… »

C’est qu’en effet il y a de l’apostolat, et de l’apostolat chrétien, dans cette manière de comprendre sa propre expérience, comme une leçon dont faire profiter les autres, et sa propre douleur comme une épreuve à leur épargner. Cette vertu de charité intellectuelle explique, plus encore qu’un prodigieux talent de constructeur dramatique, la prise étonnante que cet artiste, d’un faire parfois si dur, d’une poigne si volontiers meurtrière, eut toujours sur le public. Les femmes surtout ne s’y sont jamais trompées. Elles ont senti, dès le premier jour, que cet écrivain qui parlait d’elles tantôt avec une indignation si âpre, tantôt avec une ironie si insolente, les aimait, les plaignait profondément, tendrement. Il avait eu beau lancer son fameux :