Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/170

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que j’éperonnais mon cheval, mais à chaque relais je précipitais ma course. Une voix me criait que votre vie était suspendue à mon élan, et je passais comme une balle sur la route… N’y pensons plus maintenant… Vous vivez !

– Et c’est à Mme de Châteaufort que je dois cette existence déjà si souvent et de tant de manières tourmentée !

– C’est à elle, et à elle seule ! Mais dites-moi, vous la connaissiez donc, madame la duchesse de Châteaufort ?

Belle-Rose releva son front chargé de tristesse ; toute son âme passa dans ses regards, qu’il attacha sur ceux de Cornélius ; puis, prenant les deux mains de son ami, il lui dit avec un accent tout plein d’une indicible émotion :

– Mon frère, mon ami, si je puis compter sur votre attachement, comme vous pouvez compter sur le mien, que jamais le nom de Mme de Châteaufort ne soit prononcé entre nous, et ne me demandez jamais si je l’ai connue. Jamais, entendez-vous !

– C’est bien, dit Cornélius. J’ai tout oublié.

En ce moment, M. de Nancrais entra dans la salle.

– Lieutenant, dit-il, il ne s’agit plus de causer. L’heure du départ va sonner.

– Lieutenant ! s’écrièrent à la fois Belle-Rose et Cornélius ; à qui parlez-vous, capitaine ?

– Mais à vous, Belle-Rose, lisez vous-même.

Et M. de Nancrais tendit au jeune homme un papier revêtu des armes du roi.

– J’ai trouvé ce brevet parmi les papiers qui m’ont été envoyés de Paris. Il est en règle et vous n’avez qu’à obéir.

– Une lieutenance ! à moi ! dit Belle-Rose.

– Le ministre fait bien les choses, quand il les fait, reprit M. de Nancrais ; la grâce, une promotion et cent louis encore pour votre équipage. En voici l’ordonnance : c’est une somme que le trésorier du régiment vous comptera demain.