Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/305

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par une main de marbre, puis un éclair jaillit et le plomb siffla. Un cri sortit de la barque et l’une des trois ombres tomba les bras ouverts. Un sourire de joie fiévreuse illumina le visage de Bouletord.

– J’avais sa poitrine au bout du canon, dit-il ; cette fois je n’ai pas tout perdu, et il jeta l’arme dans le flot qui montait jusqu’à son épaule.

Belle-Rose était étendu au fond de la barque ; la balle était entrée un peu au-dessus du sein droit. Cornélius, plus pâle que le blessé, s’était jeté à genoux près de lui et cherchait à étancher le sang. La Déroute ne disait rien ; sa figure était morne. La rapidité de cette vengeance semblait confondre sa pensée, qui venait de passer, en une minute, d’une joie extrême à une douleur sans borne. Il regarda Belle-Rose d’un air effaré ; puis, tout à coup, se penchant vers lui, il toucha la blessure de ses doigts convulsifs.

Quand sa main fut rougie, il se leva, et secouant la rosée sanglante du côté de Bouletord, il s’écria d’une voix terrible :

– Le sang payera le sang !


Après avoir vu prendre à Belle-Rose, en compagnie de Cornélius et de la Déroute, le chemin de l’Angleterre, Suzanne s’était dirigée vers Paris. Son esprit, accoutumé aux choses mélancoliques et tourné vers les pensées tristes, se berçait cette fois de tendres rêveries ; elle se sentait libre d’aimer, et dans cette âme honnête qui avait la limpidité du ciel, c’était une expansion qui la