Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/331

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espèce de tirade où l’habitude était pour tout et la conviction pour rien. La mère Évangélique s’en aperçut et rougit ; mais en même temps qu’elle acquérait une bonne opinion de l’esprit de la prisonnière, elle sentit croître son aversion pour elle. Le regard qu’elle lui jeta le lui prouva bien. Ce fut un éclair ; le visage de la mère Évangélique redevint bientôt plus pâle que le marbre, et de sa colère il ne resta qu’un léger froncement de sourcils.

– Ma fille, reprit-elle d’une voix brève, votre conversion sera l’œuvre de Dieu ; vous m’êtes confiée par M. de Louvois, j’ai fait répondre à M. de Louvois qu’il pouvait compter sur mon zèle et mon dévouement ; je prierai notre sainte mère pour que sa grâce vous touche. Adieu, ma fille.

La supérieure se retira, et bientôt après une sœur vint prendre Suzanne pour la conduire à la chambre qui lui était destinée. Tandis que ces choses se passaient au couvent des dames de la rue du Cherche-Midi, Claudine attendait, dans une mortelle inquiétude, le retour de Suzanne. Les heures s’écoulaient, et Suzanne ne revenait pas. Vers midi, n’ayant vu ni lettre ni personne, Claudine, n’y tenant plus, sortit de l’hôtel et courut chez M. de Louvois. À force de questionner les huissiers qui allaient et venaient de tous côtés, elle apprit que Mme d’Albergotti était partie en carrosse avec un gentilhomme de la suite de M. de Louvois. Cette nouvelle n’était pas de nature à diminuer ses craintes. Que voulait-on faire de Suzanne ? où l’avait-on conduite ? La cour était pleine de gens de toutes sortes qui entraient et sortaient, à toute minute un carrosse partait ou arrivait à grand bruit, les laquais jouaient aux dés en attendant leurs maîtres ; personne ne prenait garde à Claudine. La pauvre fille, brisée de lassitude, repoussée par ceux-ci, raillée par ceux-là, en proie à mille craintes, finit par s’asseoir sur un petit banc dans un coin, où elle se prit à pleurer. Elle était en train de s’essuyer les yeux, ce