Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/355

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dépouillé de ses rameaux et brisé par la foudre ; si c’est ta vocation de quitter le monde, où le mal habite, que Dieu te bénisse, mon enfant.

Gabrielle se jeta à genoux. Le vieillard regarda le ciel, les mains tendues au-dessus d’elle, et pleura. Puis, quand il l’eut une dernière fois embrassée, il sortit morne et chancelant. La bonne tante s’essuyait les yeux qu’elle avait secs. La chapelle des dames bénédictines se remplissait d’un monde brillant ; on aurait pu se croire dans une galerie de Versailles, tant il y avait dans la nef et dans les tribunes de personnes considérables par leur rang et par leur nom ; la dentelle, la soie et le velours remplaçaient sur les dalles du parvis l’étamine et la bure ; de vagues parfums se mêlaient aux senteurs de la myrrhe et du benjoin. Derrière la grille du chœur, dont les fines mailles interceptaient le regard, les sœurs bénédictines étaient assises couvertes de leurs longs voiles. Tous les yeux de l’assemblée se tournaient de leur côté, et l’on cherchait à deviner les grâces de leur personne sous les plis épais de leurs vêtements religieux. Il y avait, parmi les dames et les seigneurs de cette nombreuse compagnie, bien des familles qui comptaient un de leurs membres au sein de ces filles de Dieu ; mais les mères elles-mêmes ne pouvaient reconnaître laquelle d’entre les religieuses elles avaient pressé sur leur cœur au jour béni de l’enfantement. Parfois il arrivait qu’une des sœurs tressaillait sous le voile blanc ; sa tête un instant inclinée vers la nef, se penchait sur sa poitrine, et l’on devinait à ses mouvements convulsifs qu’elle pleurait. Celle-là venait d’apercevoir un frère, une mère ou un fiancé. Tout à coup une grande agitation se fit au milieu de la chapelle, tous les yeux se portèrent du même côté, et l’on vit entrer Mlle de Mesle dans toute la pompe d’un habit mondain. Un triste et doux murmure l’accueillit ; elle était si belle, que tout le monde la plaignait. Les luttes intérieures avaient