Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/360

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la première à la chapelle ; une sueur froide couvrait son front et la fièvre luisait dans son regard. La malheureuse enfant mettait à mourir une effrayante énergie. Quand le soir venait, elle s’accoudait parfois sur la fenêtre et regardait le soleil couchant ; les arbres du parc étaient tout entourés d’une vapeur dorée, les oiseaux se poursuivaient dans les branches, les feuilles chantaient, et l’on voyait à l’horizon changeant de grandes bandes de lumière dont les reflets inondaient le ciel de lueurs roses. Une profonde extase se peignait sur le visage de Gabrielle, elle tendait les mains à l’espace et disait d’une voix tremblante :

– Mon Dieu ! qu’il serait bon de vivre si l’on était aimée et libre !

Puis elle tombait sur ses genoux, implorant la mort et meurtrissant son front aux pieds du Christ. Un jour vint où la force trahit son courage ; elle voulut se lever aux premiers sons de la cloche, mais ses genoux fléchirent, et Suzanne, qui ne la quittait plus, l’ayant soulevée dans ses bras, la recoucha. Le médecin vint dans la soirée et, l’ayant examinée, déclara qu’elle ne passerait pas la journée du lendemain.

– C’est une lampe qui n’a plus d’huile, dit-il.

Pendant toute la journée, Gabrielle avait maintes fois tourné ses yeux étincelants vers Suzanne, ses lèvres s’étaient ouvertes comme si elle avait eu quelque chose à lui confier, puis ses yeux et sa bouche se refermaient, et on l’entendait qui priait tout bas les mains jointes sur son cœur, dans l’attitude austère des figures de marbre qu’on voit sur les tombeaux.

– Elle s’entretient avec les anges ! disait une jeune novice agenouillée au pied du lit.

Quand vint la nuit, on laissa Suzanne seule dans la cellule où se mourait Gabrielle. Une veilleuse brûlait sur le coin d’une table, jetant ses clartés vacillantes sur les draps blancs et la figure blanche de l’agonisante.