Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/452

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– Que ne continuait-il ? Il aurait eu moins de peine à se faire tuer !

– Mais il avait engagé sa parole, continua-t-il de sa voix mielleuse.

– Et sa parole engage sa tête, monsieur.

Tandis que M. de Pomereux était à Chantilly avec le prince de Condé, et M. de Charny avec M. de Louvois à Paris, les fugitifs bénissaient Dieu qui les avait protégés dans leur entreprise. Aucune expression ne saurait peindre la surprise de Belle-Rose et Suzanne au moment où leur apparut le visage de Mme de Châteaufort. Tous deux la regardaient effarés, tandis qu’elle s’avançait vers eux, calme et souriante. Ce n’était plus la même femme ; la douleur avait passé sur ce beau front pâli, et il en était resté une tristesse inaltérable, répandue comme un voile sur tous les traits ; les austérités de la religion, le silence du cloître et la prière avaient plié cette âme déchirée par l’amour ; elle s’était inclinée sous la main de Dieu, et à la voir blanche et recueillie, paisible et sereine, on comprenait que Mme de Châteaufort n’avait emporté du monde qu’un cœur épuré par le pardon et qu’un esprit plein de miséricorde. Elle était comme Madeleine après qu’elle eut essuyé de sa chevelure les pieds du Sauveur.

– Soyez sans inquiétude, leur dit-elle ; cette maison est la vôtre, et la main de Dieu est entre vous et ceux qui vous haïssent.

Geneviève embrassa Suzanne et Claudine, et salua Belle-Rose d’un pâle et doux sourire. Belle-Rose était sans force et sans voix pour répondre. Les plus dévorantes ambitions l’avaient agité depuis quelques heures ; mille souvenirs l’assaillaient à présent.

Il n’y avait pas dans le cœur de Suzanne de place pour la haine. Si un instant la jalousie se réveilla à la vue de Geneviève, elle chassa bien vite ce sentiment indigne de toutes deux et rendit à l’abbesse son baiser de sœur. Les religieuses se retirèrent dans leurs cellules, et Geneviève