Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

si Marguerite l’avait voulu, et mes larmes tombaient sur l’herbe lentement. Elle vous aimait, et je baisais la trace de ses pas ! Un jour cette chaîne est tombée… Ah ! vous étiez avec Marguerite, Sire !

Une émotion dont il n’était pas le maître se glissait dans le cœur du roi. Lui qui avait connu l’amour dans toute sa fièvre, pouvait-il condamner un homme qui avait souffert toutes les angoisses de l’amour ? François-Albert connaissait trop bien Gustave-Adolphe pour ne pas deviner, au plus léger signe, ce qui se passait en lui. Il pensa que la meilleure et la plus habile défense était une franchise absolue ; et reprenant tout à coup la parole avec une véhémence extraordinaire :

— Mais, si vous voulez ma confession tout entière, Sire, eh bien, sachez tout ! Que de tempêtes alors dans cette poitrine toute brûlée d’un amour sans repos ! Oui, j’ai pensé à me venger !

— Vous ?

— Oui, moi ! Mille projets terribles m’ont traversé l’esprit. Je ne savais auquel sacrifier les restes d’une misérable vie. Je voyais en vous la cause unique de tout ce que je souffrais. Il me semblait que ma plus grande joie eût été de vous voir expirant, abandonné de tous. Je cherchais un moyen d’apaiser, dans votre ruine, un chagrin noir qui m’obsédait. Ah ! si je les avoue, ces cauchemars, c’est que le réveil les a dissipés. La force m’a manqué, et, malgré moi, quand j’ai voulu pousser plus loin ces rêves sinistres, je me suis souvenu du passé, et mon lâche cœur a tremblé !

L’étonnement, la colère, la pitié, se peignaient tour à tour sur le visage du roi. François-Albert, qui l’observait tout en ayant l’air de s’abandonner à l’entraînement fiévreux de sa confession, continua bientôt :