Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/247

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Si vous avez quelque chose encore à me demander, hâtez-vous, dit-il.

— Eh bien ! répondit Mathéus, ne me laissez pas dans cette position : la pente du gazon m’attire vers le gouffre, j’ai la tête en bas, le sang m’ôte la respiration.

Et il râlait en parlant.

Rudiger s’agenouilla tout à fait, et, passant les bras autour du corps de Mathéus, il le souleva pour le faire changer de position.

Une joie diabolique brilla dans les yeux du captif ; s’armant tout à coup d’un pistolet dont la crosse était passée dans la ceinture de Rudiger et qui se trouvait, grâce à l’attitude de celui-ci, à portée de sa main, il appuya le canon contre la poitrine du Polonais et lâcha la détente.

Rudiger se releva comme un tigre atteint par la balle d’un chasseur, fit quelques pas en chancelant et tomba.

— Mort ! s’écria Mathéus.

Un coup de mousquet parti du château répondit à cette détonation.

— Ah ! tout n’est pas perdu ! murmura le gouverneur, et il regarda Rudiger étendu par terre.

Mais celui qu’il croyait mort s’était lentement soulevé sur les coudes et les genoux, et rampait vers lui.

Mathéus sentit une sueur froide mouiller la racine de ses cheveux.

Une main sur sa blessure, dont le sang coulait à flots, Rudiger rampait toujours ; chaque effort le rapprochait de Mathéus. L’expression d’une volonté implacable se lisait dans ses yeux.

Bientôt, du bout des doigts il put toucher les pieds de Mathéus et s’y cramponner.

— Ah ! je ne mourrai pas seul ! dit-il alors. Ah ! tu m’as tué,