XXVIII
LE MARAIS Armand-Louis, le cœur tout gros de sa victoire, traversa les rangs de ses amis. Bon nombre d’entre eux manquaient à l’appel ; beaucoup d’autres, tout sanglants, ne pouvaient plus soulever le mousquet ou l’épée ; quelques-uns attendaient la mort, couchés dans leurs manteaux ; tous avaient les yeux tournés du côté où le soleil venait de disparaître ; peut-être pensaient-ils à la France, cachée à l’horizon.
Aux premiers bruits de cette bataille furieuse, Adrienne s’était élancée hors de la chaumière où dormait un enfant ; Diane la suivit, haletante, les narines gonflées.
Le garde-chasse, sombre et rêveur, marchait derrière elles.
— Entends-tu ? c’est le canon ! dit Mlle de Pardaillan.
— Oui, c’est le canon ! murmura le garde-chasse.
— Mais alors ils sont perdus ! s’écria Mlle de Souvigny.
— Ah ! le boulet porte plus loin que l’épée ! Aujourd’hui ou demain ce sera fini ! poursuivit le garde.
Diane saisit le bras d’Adrienne fiévreusement.
— J’ai toujours pensé, dit-elle, qu’un jour terrible arriverait où il faudrait faire appel à tout ce qu’il y a d’énergie dans