Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/324

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Le cavalier buvait, fermait les yeux, buvait encore, et bâillait à faire croire que ses mâchoires ne parviendraient plus à se rejoindre.

— Le baron Jean de Werth est un peu comme le duc de Friedland, poursuivit le cavalier ; tel général, tel lieutenant ; avec eux, il faut qu’on marche droit, ou mourir… et c’est là ce qui m’attend.

— Vous m’intéressez, mon ami, reprit Magnus ; si la chose pouvait vous être agréable, je connais quelqu’un qui se chargerait peut-être de courir pour vous.

— Qui ?

— Moi !

Le cavalier ouvrit les yeux tout grands.

— Ce que j’en fais est par bonté d’âme, ajouta Magnus. Jean de Werth doit-il aller bien loin ?

— Au quartier général, mais en passant par un gros bourg où il y a de l’artillerie ; les chemins sont mauvais ; il y a un pont à demi rompu sur une rivière… si je m’endors, bonsoir, je me casserai le cou.

— Mon ami, il ne faut rien casser, dit Carquefou.

— C’est imprudent, ajouta Magnus ; moi qui connais les chemins, j’enfilerai le pont tout droit.

Le courrier ne voyait plus clair ; sa tête alourdie roulait d’une épaule à l’autre ; cependant, une lueur de raison lui traversa l’esprit.

— Oui-dà ! reprit-il, vous êtes bien prompt à rendre service aux gens ! On a vu des loups qui empruntaient la peau du berger pour croquer les moutons.

Alors Magnus d’un air bonhomme :

— Vous n’êtes point sot, camarade, dit-il ; la vérité vraie, c’est qu’au désir de vous obliger se joint celui de rentrer dans les bonnes grâces du feld-maréchal Wallenstein. L’ami que vous voyez là, et qui ne vous laissera pas une goutte de