Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/58

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Adrienne et Diane sentirent un frisson courir sur leur épiderme. Armand-Louis et Renaud firent un mouvement.

— Ah ! je vous comprends, dit le grand maréchal de l’empire. Vous avez mille choses à vous dire, mille confidences à échanger… peut-être même à prendre vos mesures pour une délivrance que tous vos vœux appellent.

— Et que nous obtiendrons avec l’aide de Dieu et le secours de nos épées, c’est vrai ! s’écria Renaud.

— Restez donc… Je vous donne une nuit ; c’est une imprudence, mais cette imprudence me permettra peut-être de mieux assurer votre retraite. Je ne lutterai pas, d’ailleurs, contre les conseils de l’amour. Je sais par expérience combien de folies il inspire. Heureux encore lorsque ce ne sont que des folies !

Cette allusion aux incidents qui avaient marqué leur rencontre à la Grande-Fortelle fit passer un voile de pourpre sur le visage de Mlle de Souvigny. M. de la Guerche y vit la preuve que M. de Pappenheim n’était plus l’homme qu’il avait connu autrefois, et il lui tendit la main par un mouvement spontané.

Entraîné par ce mouvement, Renaud s’approcha du grand maréchal.

— Deux femmes sont entre vos mains, dit-il, une bonne résolution, un élan du cœur les rendrait libres… N’êtes-vous pas d’un nom à braver la colère du comte de Tilly, d’un rang à forcer même l’empereur, votre maître, au respect ?… Dites un mot, et ces deux femmes vous béniront !

Sans répondre, M. de Pappenheim ouvrit violemment la fenêtre.

— Regardez, dit-il.

Et les deux jeunes gens, derrière lesquels se groupaient Adrienne et Diane, virent, aux clartés des feux, un rideau noir