Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le moine, ayant son froc rabattu sur les yeux, passa les mains croisées sur sa poitrine, et s’enfonça dans le jardin, suivi des deux frères lais.

Maître Innocent se précipita vers la cuisine, et en sortit un moment après avec un plat de lentilles qui fumaient tristement, et une assiette au milieu de laquelle couraient quelques noisettes. Il resta près d’un bon quart d’heure à servir ce maigre repas, et comme Carquefou, que la faim rendait grondeur, lui en faisait l’observation :

— Ah ! monsieur, répondit maître Innocent, le saint homme me nourrissait du pain de la parole divine !

Bientôt après, l’aubergiste fit voir à Carquefou que sa maison n’avait pas que des lentilles et des noisettes. À la vue du festin, qui répandait partout les arômes les plus délicats, l’honnête serviteur soupira.

— Ah ! comme nous mangerions de bon appétit, si nous n’étions pas si tristes ! dit-il.

Armand-Louis et Renaud avalèrent à la hâte quelques morceaux et n’échangèrent pas dix paroles, encore se rapportaient-elles toutes à la délivrance de Mlle de Souvigny et de Mlle de Pardaillan. C’était leur unique souci, leur unique pensée.

— Que les chevaux soient prêts demain à la première pointe du jour, dit M. de la Guerche.

L’hôte prit un flambeau et conduisit les jeunes gentilshommes à leurs chambres. L’une donnait sur le jardin, l’autre sur la route, aux deux extrémités d’un long corridor.

— J’aurais voulu vous réunir dans la même alcôve, dit-il, mais les saints pères capucins occupent toutes les chambres à deux lits, ainsi que toutes celles qui vous séparent ; mais j’ai pris soin que rien ne manquât à Vos Seigneuries ; voyez, les draps sont blancs.