Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/177

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L’archiduc demanda alors à monsieur de Cornélius Népos sur quoi il fondait sa plainte. Cornélius, qui n’avait pas étudié la rhétorique pour rien, se mit à expliquer toute l’affaire et à dérouler son plaidoyer. Il fut si pathétique qu’il s’empara de toutes les sympathies conjugales des juges ; il parla des premières joies de deux nouveaux mariés, de cette tranquillité qui n’est interrompue que par les efforts qu’on fait pour employer toutes les forces de sa passion à produire un premier-né, le plus beau possible ; car l’usage des hommes n’est pas de partager entre les enfants, selon leurs talents, la succession du père, mais de tout donner à l’aîné qui doit représenter la famille. C’était ce premier-né, la future joie du pays d’Hadeln, que la conduite légère de sa femme venait de lui enlever, sans penser que le trouble qu’elle avait dans son âme se reproduirait peut-être dans celle de son enfant.

— Le diable parle par la bouche de cet avorton, dit tout bas de Chièvres ; moi qui ne m’émeus pas facilement, je m’intéresse à son infortune.

Le petit continua :

— Et comment pourrais-je vous dire mon malheur, puisque pendant cette même nuit je voguais sur l’immense Océan, et que je fis naufrage sur un lit qui n’était pas le mien : triste présage de ce qui devait arriver