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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/189

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cygne, se jettent à l’eau, s’imaginant qu’en le suivant ils retrouveront leur patrie ? Combien ce sentiment devait-il être encore plus fort chez Bella, où il se joignait au désir de régner. Elle était en Europe comme cette fleur exotique qui ne s’ouvre que la nuit, parce que cette heure est celle où brille le jour dans son pays. Sa passion et la pensée de ses malheurs se heurtaient sans ordre dans sa tête. Sans savoir pourquoi, elle ne pouvait se résoudre à rester ; elle aimait l’archiduc comme elle l’avait aimé autrefois ; mais elle sentait que depuis qu’il en avait aimé une autre autant qu’elle, elle seule gardait et emportait son premier, son innocent amour ; elle vit que cette union avec le petit, sans altérer en aucune manière son innocence, lui montrait clairement que la pensée de son Charles n’était pas de l’épouser, comme elle l’avait cru dans son orgueil de princesse. Que lui importait l’habileté de l’archiduc à lui procurer les plus grandes richesses. Elle ne connaissait que l’opulence de la pauvreté, qui possède tout parce qu’elle n’a besoin de rien ; elle ne connaissait que son peuple qui considérait un acte de dévouement pour elle comme une dette acquittée. Pendant ce combat intérieur, elle s’approcha du lit du prince et l’embrassa. S’il s’était éveillé, elle n’aurait pas pu se décider à le quitter.