Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

malgré tout son usage du monde, fut tellement décontenancé, que Mathilde tremblait et brûlait de jalousie. L’ami, sans s’apercevoir de rien et continuant son bavardage, leur raconta que la ville était divisée en deux partis ; dont le plus nombreux était celui de la Torcy, qui jusqu’alors avait joué le rôle de Phèdre ; que Melück s’était montrée de la plus grande insolence envers cette dernière, ce qui avait mis beaucoup de monde contre elle, sans compter le mauvais effet produit par sa malheureuse liaison avec le comte ; enfin il était certain qu’elle serait impitoyablement sifflée.

Mathilde attendait avec impatience le moment d’être seule avec son mari. Elle lui fit les plus violents reproches de n’avoir caché qu’à elle cette étrange passion que tout le monde connaissait. Le comte ne lui répondit qu’en lui faisant serment de sa fidélité ; un serment qu’il avait fait à bien d’autres ! Cependant cette fois il eut plus de peine à jurer, et le serment lui sortit difficilement de la bouche. Enfin, la comtesse lui dit qu’elle voulait bien le croire, mais à condition qu’il prendrait le parti de la Torcy, et se mettrait du côté des sifflets. Le comte le promit à sa femme sans difficulté ; en effet, connaissant les deux actrices, il ne supposait pas que quelqu’un, tout mal disposé