Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trie : mon sang doit arroser la terre qui m’a nourri.

La comtesse fut sur le point de s’évanouir à ces paroles.

Les cris sauvages se rapprochaient toujours dans la campagne. Le comte rentra au château avec les deux femmes, et leva lui-même le pont-levis. Puis il jeta toutes ses armes dans le fossé, de peur d’être entraîné à répandre le sang de ses concitoyens.

À peine avait-il terminé ce sacrifice, il était minuit, qu’une troupe de populace à demi ivre, passant par un endroit où le fossé était à sec, entra dans le château par une porte que leur avait ouverte une servante, et saisit le comte qu’ils emmenèrent à leurs complices assemblés en foule sur la place du village. La servante qui les avait introduits venait d’être renvoyée pour vol par la comtesse ; elle la cherchait pour se venger, et débitait sur son compte une foule de mensonges infâmes.

Melück entendant qu’on cherchait la comtesse, la saisit avec force — elle était évanouie — la mena dans le grenier retiré où se trouvait le mannequin, et pour la dernière fois eut recours à son art ; elle mit la comtesse dans les bras du mannequin, qui la serra sur sa poitrine avec une force que nul n’aurait pu vaincre. Melück ordonna à la comtesse de se taire, autrement elle était morte ; mais cette recommandation était inu-