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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/260

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sait devant la porte de l’hôtel un cousin du propriétaire actuel, plus âgé que lui de trente ans, mais qui lui avait toujours été inférieur en fortune ; il arrivait à pas lents et nobles, secouant la tête et prenant sa prise de tabac. Personne peut-être n’était plus connu, chez les vieux, comme chez les jeunes gens, que cet antique personnage au nez rouge, qui, semblable au cavalier de fer de l’horloge de ville qui annonce l’heure avant que les cloches n’aient sonné, rappelait aux enfants le moment de retourner à l’école, et servait aux bons bourgeois de chronomètre ambulant, sur lequel ils réglaient leurs coucous de bois. Il portait différents noms dans les différentes classes de la société.

Les personnages importants l’appelaient le Cousin à cause de sa parenté incontestable avec les premières familles de l’empire. Ce surnom honorable était tout ce qui lui restait de son ancienne splendeur.

Chez les gens du peuple, il se nommait le Lieutenant, parce que dans sa jeunesse il avait occupé ce grade, dont il portait encore l’uniforme ; il ne paraissait pas soupçonner que la coupe des habits eût changé depuis trente ans qu’il avait acheté le sien. Son drap avait quelque chose de plus solide et de plus travaillé qu’aujourd’hui, ainsi qu’on le pouvait faci-