Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/263

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habit, suivant l’ancienne mode, venait lui battre les jambes.

Cette noble dame, extrêmement frisée, poudrée, fardée au vif et couverte de mouches, conservait toujours, depuis ce malheureux duel qui avait eu lieu trente ans auparavant, le même empire sur le lieutenant, sans lui avoir jamais rien dit qui pût justifier sa passion. Chaque jour il la célébrait dans quelques nouveaux vers, la plupart du temps complétement vides de sens ; mais il n’avait jamais osé lui communiquer ces épanchements de sa muse, possédé d’une juste défiance à l’égard de son esprit.

Peigner le griffon noir de la dame, tout en répondant à ses questions, était le revenu de chacun de ces dimanches, qu’il attendait si ardemment toute la semaine ; un aimable sourire en était la récompense, qu’il considérait comme inestimable.

Pour tous les autres, ce froid visage peint de blanc et de rouge, veiné d’azur, travaillant contre sa fenêtre à quelque tapisserie, ou se regardant dans son miroir, restait sévèrement fermé. Au reste, elle vivait très à son aise des pensions que lui faisaient deux princesses au service desquelles elle avait été. D’anciens courtisans et de vieux diplomates venaient autour de sa toilette d’argent, l’entretenir longuement de sa