Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/309

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enseigne. Il vint me trouver et me demanda ce qu’il devait faire ; je lui dis : Tuez-vous, après cela vous n’avez plus rien à faire. Mon homme prit la réponse à la lettre et se tua. Je fus obligé d’aller annoncer cette nouvelle à la mère ! Depuis cette époque, chaque soir, vers le moment où il s’est tué, Esther reçoit une secousse, comme si on tirait à côté d’elle un coup de pistolet que personne autre n’entend ; puis il lui prend un accès de bavardage et de danse auquel personne ne comprend rien ; et les habitants de la maison la laissent seule, car ils en ont peur.

Bouleversé par ce récit fait avec le plus grand sang-froid, le jeune héritier s’écria :

— Que d’abîmes séparent cette pauvre humanité qui aime et qui cherche à se rapprocher ; combien haute doit être notre destinée puisqu’elle a besoin de fondements si profonds, de si cruels sacrifices d’amour, de tous ces témoignages qui, plus que des miracles, attestent la vérité de l’Histoire sainte ! Ah ! vous êtes toutes véritables, histoires saintes de tous les peuples.

Après quelques instants de silence, il dit au cousin :

— Est-il bien vrai que la vieille Vasthi soit l’ange exterminateur ? Les gens disent qu’elle donne aux mourants le coup de la mort.