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TRISTAN BERNARD

Voraud, les deux jeunes mariés, et Louise Loison, l’amie complaisante et rusée qui présida à leurs entretiens, et la vieille grand’mère écrasée de bijoux. Ils se mêlèrent à ceux qui tout à l’heure étaient venus, et tous causaient entre eux comme des frères et des sœurs. Durant quelques minutes, ce fut un bruit délicieux de petites voix fluettes et blanches, et des gestes gauches, rapides et frivoles. Ravis, M. Dickens et M. Bernard écoutaient parler et regardaient s’agiter ces étranges fantômes, personnages de rêve fuyant les pages des livres qui racontaient leur vie, et des larmes de joie perlaient au bord de leurs cils. Ils se taisaient, respectueux et émus, sentant bien qu’un seul mot eût rompu le charme qui les enveloppait. Un parfum doux et ancien emplissait le salon, et les portraits accrochés au mur souriaient à cette fête.

Brusquement, midi sonna. Un tramway, tout près, siffla, et dans la rue un pauvre entonna une romance. Les fantômes s’enfuirent, laisser de trace, et M. Dickens lui-même s’évanouit. Sa chaise resta vide, M. Bernard