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L’ENTERREMENT DE M. A. SILVESTRE

le soleil devenait plus chaud, les bottes des égoutiers se permettaient quelques familiarités. M. Crozier tendit le bras droit avec douleur ; il entamait sa péroraison :

« Et maintenant, vous n’êtes plus, ô maître. Déjà nous avions pleuré la mort de Tortoni, du Café Riche et de la Librairie nouvelle ; déjà nous avions chanté, selon les rites, le trépas du boulevard. Voici qu’à son tour la vieille gaieté française exhale son dernier soupir… Ah ! si vous pouviez, du haut des cieux, voir la tristesse de tous ces braves gens qui vous ont accompagné ici… Leur douleur me navre. Ils sentent bien que la perte qu’ils font ne peut se réparer : Adieu pornologie, scatologie, gynécologie… ils restent désormais sans littérature, car ça n’est pas M. Bourget, M. Loti ou M. Theuriet qui vous remplaceront auprès d’eux, et ça n’est pas moi non plus, ni le poète des hortensias bleus… Ah ! »

M. Crozier ne continua pas : brusquement la foule des auditeurs fut bousculée ; des coups de poing meurtrirent les dos et les poitrines ; des jurons retentirent. Un vide enfin se fit…