Page:Acker - Humour et humoristes, 1899.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
55
GEORGES COURTELINE

son infortune que par des éclats de rire.

« Aussi, monsieur, — permettez-moi cet aveu — tout en vous admirant, j’ai de la peine à vous aimer. Vous êtes pour moi un de ces écrivains de premier ordre, mais suspects, dont il faut reconnaître les grandes qualités et réprouver le mauvais emploi qu’ils en font. Rien n’est sacré pour vous : votre raillerie attaque et démolit tout ce que nous devrions, au contraire, étayer pieusement. Passent encore les ironies formidables dont vous poursuivez fonctionnaires, employés, propriétaires. Mais l’armée ! Ah ! monsieur, vous n’auriez pas dû toucher à l’armée. J’ai eu l’honneur d’être soldat durant cette année terrible dont je ne peux sans tristesse évoquer le souvenir, et j’ai versé mon sang pour défendre ma patrie. Je connais, pour l’avoir ressenti, ce noble enthousiasme qui entraîne, aux jours sombres, les plus faibles, les plus indécis, vers les frontières menacées. J’ai vu au plus fort de la mêlée, tandis que les balles sifflaient et que les canons tonnaient, les débris de mon régiment se serrer autour du drapeau, claquant au vent,