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ALPHONSE ALLAIS

Je possède son portrait : la figure est maigre, pâle, fatiguée, triste ; le corps, un peu voûté, dépasse la moyenne ; un mélancolique sourire flotte sur les lèvres. On devine un noble esprit qui, tout en consacrant sa vie aux travaux les plus ardus, ressentait une douleur profonde, à la pensée que jamais il n’arriverait à pénétrer les ultimes secrets de la Science.

Ses livres nous révèlent son nom : il s’appelait Alphonse Allais. À en juger par quelques articles de critique, il fut d’abord un écrivain de talent, qui amusa longtemps ses contemporains. Il avait commencé par fréquenter en un cabaret littéraire, à l’enseigne d’un chat noir, et tenu par un gentilhomme, Rodolphe Salis, qui y réunissait les esprits les plus joyeux et les plus bizarres de cette fin de siècle. Là il passait ses soirées à jouer des airs de trombone, pleins de fantaisie, en contant d’invraisemblables histoires, et tous, bourgeois et artistes, se tenaient autour de lui, bouche béante, pour l’entendre.

Admirable logicien, il déduisait d’un phénomène très naturel, d’un sentiment très