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Les Deux Cahiers


I


Mme Desaulmin venait de marier sa fille.

Un beau mariage, certes, et qui avait amené à Saint-Pierre-de-Chaillot, puis avenue de l’Alma, au 13 bis, tout Paris. Suzanne, qui ne s’était pas hâtée d’aliéner son indépendance, épousait à vingt-six ans un jeune maître des requêtes, Jacques Daramont, d’une vieille famille de robe. Les salons, maintenant vides, où tout à l’heure on se pressait pour serrer la main du marié, embrasser la mariée, avaler un sandwich et boire une coupe de champagne, montraient encore, étalée selon la mode nouvelle, la richesse du trousseau et des cadeaux. Chacun avait pu connaître et évaluer le linge de la jeune femme et dénigrer les présents de ses amis. Déjà, dans les corbeilles et les vases, les fleurs dépérissaient. Mais Mme Desaulmin, encore toute parée, ne se souvenait plus de l’église pleine de lumière et de musique, ni du lunch, où parmi les félicitations et les admirations les invités innombrables s’écrasaient les pieds avec de mutuels sourires, ni des agents de la sûreté fort corrects qui, durant la fête,