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signé du nom d’un jeune peintre normand, Léon Le Clerc, plein de talent, une vieille rue de Honfleur, à la fois sombre et lumineuse.

Lié d’une profonde amitié avec son fils et son gendre, j’avais si souvent causé avec lui qu’à cette heure où je venais le voir d’une façon presque officielle, le journaliste que j’étais, pour quelques instants, se sentait terriblement gauche. Sagement, je m’assis au bord d’un fauteuil, et comme il m’avait offert un cigare, je le conservais avec respect entre mes doigts. Je n’aurais pas senti plus de gêne, si j’avais été reçu pour la première fois. Lui, sur une chaise, à sa table, où une paire de lunettes maintenait des feuillets noircis, près d’une bibliothèque tournante où philosophait un petit éléphant de peluche, il me regardait en souriant. Nous restâmes ainsi silencieux quatre ou cinq minutes, qui me parurent aussi longues qu’un siècle. Je cherchais vainement une phrase, et l’idée ne me venait point de noter que M. Albert Sorel était très grand, pareil, avec son nez en forme de bec d’aigle, à un aventureux Normand d’autrefois, ni que ses cheveux étaient gris, ni qu’il portait une jaquette noire rougie d’une rosette à la boutonnière ; car, le connaissant depuis trois ans, ces détails ne me frappaient pas. Je découvrais seulement qu’il avait rajeuni, et avec naïveté j’en attribuais la cause à la joie d’avoir quitté à jamais l’Administration.

— Eh bien ! mon ami, me dit-il, qu’est-ce que je dois vous raconter ?