Page:Acker - Petites Confessions, sér1, éd3.djvu/70

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environs d’Honfleur. A côté de Réjane, et tout près d’Andrée Mégard, M. Samuel se prélasse sur un banc. M. Alphonse Allais, les mains dans les poches, songe dans un cadre blanc. Du haut d’un lambris, une Brandès, de Helleu, incline la grâce de ses yeux tendres et de son mystérieux sourire. Sur la table nul bibelot qui arrête l’attention et distraie le regard : un encrier, du papier, le manuscrit du Beau Jeune Homme, un appareil téléphonique, et c’est tout. Au-dessus d’un divan, enfin, une estampe très rare représente les Variétés en 1804 : pouvait-on ne pas la trouver chez M. Capus ?

Dans le salon voisin, un secrétaire classait des lettres et répondait à des demandes de places. Une porte s’ouvrit doucement : le monocle à l’œil, serré d’une impeccable jaquette dont un étroit ruban rougissait la boutonnière, le cou un peu étranglé par le faux-col, M. Capus s’avançait. Il n’avait pas changé : c’était bien cette même tête ovale dont le crâne se dénude, ces petits yeux bridés de myope, ces lèvres gourmandes qu’ombrage une moustache, ce menton gras et arrondi qu’effile un peu une barbiche. M. Capus cependant avait pris du ventre, un petit ventre de Parisien sage et heureux, qui est, dans le monde des lettres, comme le signe certain d’un esprit tranquille et d’une belle carrière. Nous nous serrâmes la main... Je me souviens que je disparaissais dans un fauteuil de velours rouge très pâle, que nous avions allumé des cigarettes blondes, que M. Capus tournait le dos au feu, et, je ne sais comment, nous vînmes à