Page:Acker - Petites Confessions, sér1, éd3.djvu/72

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jours été comme ça. Tenez ! aujourd’hui, nos critiques, Faguet et Larroumet, sur qui s’appuient-ils pour nous dire que nos pièces à nous sont mal faites, pareilles à des dialogues cousus les uns aux autres ? Sur Dumas. Or, savez-vous ce que J.-J. Weiss disait de Dumas, lors des premières représentations de ses pièces ? Il disait exactement ce que Faguet et Larroumet ont dit de Lavedan, de Donnay, de moi ; ce qu’ils diront, demain, du Beau Jeune Homme.

Ah ! si vous aviez vu M. Capus ! il était délicieux. Il ne s’indignait pas, il ne s’emportait pas, il souriait avec indulgence et malice, levant parfois d’un geste doctrinaire un doigt que bien vite il abaissait ; puis il prenait dans la bibliothèque un livre de J.-J. Weiss, l’ouvrait, le posait sur la table, et, l’index suivant les lignes, il lisait à voix haute :

« Le tissu de l’intrigue chez Dumas étant si lâche, les personnages disjoints l’un de l’autre tendent à s’en aller chacun de son côté ; comme ils n’ont point de centre de gravité, ils oscillent au hasard et il faut bientôt renoncer à s’expliquer leurs mouvements... Rien ne prouve mieux qu’une œuvre théâtrale n’est point aux yeux de M. Dumas un tout organique qui se développe en vertu de sa propre loi, mais une suite arbitraire de tableaux de marionnettes, où l’auteur, ne reconnaissant d’autre règle que son bon plaisir, dispose à son gré des acteurs, les prend, les laisse, les ramène, et allègue pour toute raison qu’il tient la ficelle. »