Page:Acker - Petites Confessions, sér2, Fontemoing.djvu/245

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page que détermina ce livre, et le fameux ordre du jour que le colonel des chasseurs de Rouen fit lire aux escadrons assemblés : Tout exemplaire du Cavalier Miserey saisi au quartier sera brûlé sur le fumier, et tout militaire qui en serait trouvé possesseur sera puni de prison. M. Anatole France écrivit alors qu’il serait plus content d’avoir fait cette phrase, que les quatre cents pages du volume, sûr qu’elle valait infniment mieux pour son pays. Du coup, le Cavalier Miserey fut considéré comme antimilitariste et révolutionnaire. Etrange jugement. Le premier, M. Abel Hermant avait essayé d’appliquer une vision artiste et les procédés du roman d’analyse à l’étude sur nature du soldat et de peindre le drame très simple et très âpre qui se joue entre l’homme et le régiment. Jamais, sans doute, on n’avait exprimé avec plus d’émotion et de vérité l’âme même du soldat, faite d’abnégation, de confiance et de solidarité, et l’irrésistible attrait qu’exerce sur des hommes, réunis par les mêmes devoirs d’obéissance et de dévouement, le régiment, « vivant et glorieux dans l’apothéose de ses cuivreries et de ses fanfares triomphales ». Au surplus, il partageait le même sentiment que moi, étonné qu’on eût si fort méconnu son œuvre. Il sourit, se leva, prit sur un rayon un gros livre relié en rouge : c’était le manuscrit du Cavalier Miserey, et deux lettres admiratives étaient collées au faux titre, signées de noms célèbres, ceux de François Coppée et de Maurice Barrès. Il remit le