Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/141

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nés ! En ce temps Omer développa la puissance de son action. Il put attirer les ennemis en des places où telle pile menaçait de choir, et les faire s’abîmer avec elle. Terrassé par un grand garçon, il savait réunir ses vigueurs entières pour déboîter la jambe rivale de son point d’appui, et faire tout à coup chanceler, s’abattre le vainqueur, eût-il fallu pour cela souffrir l’étranglement, étouffer sous le poids d’un corps, en silence, pendant la préparation du geste libérateur.

Bientôt ils l’estimèrent dangereux, ces garçons aux rageuses étreintes, et qui rompaient d’un seul coup les bâtons. De la lutte, Omer se relevait toujours, hargneux, prêt à mordre, les poings devant, et il pouvait reconquérir le bonnet de police, son insigne, enlevé par l’insolence d’un faquin. Sa tête saisie dans un bras, et si étroite que fût la serrée, Omer parvint toujours à l’en sortir grâce à d’adroits mouvements du cou, à des souplesses bien calculées, à l’effort définitif donné juste vers le moment où il percevait des signes de lassitude dans les membres de l’adversaire. Jacques se distinguait de Bertrand, Oscar de Théodore par les valeurs des forces qu’ils opposaient aux ruses d’Omer. Ainsi le gros Cyprien, hercule de huit ans, rouge de joues et qui soulevait déjà les poids de la balance, savait mal éviter un croc-en-jambe infaillible pour le mettre à bas. Au contraire, le petit Edgard aveuglait de gifles prestes et méchantes, puis se dérobait, alerte, insaisissable, si long que flottât hors de sa culotte, le pan d’une chemise poussiéreuse. Omer protégeait difficilement la confiture de sa tartine contre la langue impromptue d’Étienne qui léchait d’un seul coup. Mais, en le chatouillant de manière vigoureuse, le petit Héricourt obligeait César, qui l’écrasait de son poids, à se relever, lâche, rieur, et sans courage.

Néanmoins le triomphe d’Omer était l’éloquence. S’émerveillant, ils l’écoutaient redire les fables du