Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/200

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s’ouvrait à deux battants, un crucifix d’ivoire ; le divin emblème occupait, à l’intérieur de son pupitre orné en manière de chapelle, la place centrale, parmi les livres. Sous la tablette levée du meuble. Édouard restait immobile de longs moments. Plusieurs fois, le Père Corbinon crut au dressage clandestin de vers à soie, à la lecture d’un livre défendu, à la confection secrète d’une tartine. Assourdissant le pas, il fondait sur le dévot sans être entendu. L’autre éloignait alors ses deux mains jointes de ses lèvres qui murmuraient la prière :

― Quoi ? Je demande à Jésus le sens du distique ! répondait-il brusquement.

Le Père Corbinon reprochait en vain cet abaissement de l’idée de Dieu. En fait, Jésus renseignait son fidèle : Édouard De Praxi-Blassans obtint presque toujours l’une des trois premières places.

Pour Omer, il se montrait fraternel, le louait de vouloir devenir évêque. S’il n’était solennellement engagé, par le désir de sa mère et du mort, au mariage avec Denise, le pieux disciple eût choisi cette profession. Mais il admettait un devoir de famille, celui de perpétuer la vie généreuse du colonel Héricourt, idole de sa mère. Soldat, il conquerrait. Que la patrie fût encore foulée par les kaiserlicks et les Cosaques, lui chasserait cette canaille jusqu’à Moscou ; et son frère l’aiderait.


La première année, les ennuis de l’internat s’aggravèrent d’une brusque déception. À l’occasion de fêtes inattendues, il fut décidé que les élèves ne quitteraient pas le collège, mais y passeraient la quinzaine du repos pascal. De magnifiques processions à travers le parc, l’inauguration d’un jeu de longue paume, et les bombances autorisés avec les comestibles innombrables, présents des familles, apaisèrent le chagrin.

Les cours avaient été repris depuis une semaine lors-