Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/205

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salive filait sur son menton. Il avait eu des prix nombreux.

Omer les bénissait tous, arborant pour dalmatique un vieux tapis, pour crosse un bâton, pour mitre un papier jaune. Denise Héricourt et Delphine De Praxi-Blassans imitaient les chantres. Leurs poupées étaient les dévotes très sagement prosternées.

Il était drôle d’aller voir, sur le polygone d’Arras, manœuvrer les Englisches écarlates avec des épaulettes en boudin, de grands shakos difformes et des pantalons flottants. D’autres avaient les genoux nus sous une jupe à carreaux, et des bonnets à grosses chenilles vertes. Coiffé d’un petit bicorne plat, cuirassé de galons d’or, un des officiers tendit les mains, gentiment, pour y attirer Elvire :

― Dire bonjour, s’il vous plaît… baby ?… moi aussi, avoir des babys, en Angleterre… Dire bonjour… baby ?…

Émile De Praxi-Blassans, qui comptait environ quinze ans à l’époque, prit brusquement la main de son amie et l’entraîna loin de l’étranger. L’officier rit de bon cœur. Omer sentait en soi tout son être se rétracter pour la fureur, contre les valets des tyrans.

Ensemble, Émile De Praxi-Blassans, Omer Héricourt se promirent de prendre les armes, dût-on oublier l’orgueil d’être évêque, ou bien ambassadeur. Seul, Émile se voulait général pour toute la vie, comme Turenne et Bonaparte.

De ce vif émoi, de cette rencontre avec l’ennemi, maître du sol français, Omer garda toujours un souvenir qui le grandissait à ses propres yeux. Il lui plut que la petite fille eût été soustraite par Émile et lui aux amabilités du vainqueur. Cela convenait à son propre caractère qu’il voulait chevaleresque.

Lors des vacances suivantes, Elvire séjournait encore aux Moulins avec sa mère. Mme Gresloup revenait de Londres, où elle allait annuellement s’enquérir des