Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/303

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dain. Dans le salon de la tante Caroline, il brilla devant les cousines Gresloup, quelques dames voisines, le curé même, homme phraseur aimable, défèrent, aux mains délicates et à la gourmandise experte. En vain Dieudonné prétendit retenir l’attention par ses connaissances relatives aux bateaux à vapeur et au gaz d’éclairage, aux montgolfières, il intéressa moins. Mme Gresloup s’occupa d’Omer ; elle lui brossait la casquette à gland, tombée dans la poussière ; elle remarquait une tache au large pantalon blanc, aux bas bleus, une éraflure au vernis des escarpins, et appelait sa propre servante galloise pour réparer le mal. Contant les initiations de Moïse, et la fraternité de Babel, et les exploits des Philadelphes, Omer étonnait les visiteuses. Caroline même le choya. Elle l’installa dans la belle chambre. Les fenêtres ouvraient sur les prairies. Il y avait un ruban de sonnette en moire avec une poignée de bronze ciselé, une table à dessus de marbre blanc, une large gravure représentant Pyrame mort aux genoux de Thisbé qui se transperce. Un soir, la tante l’appela dans un coin et lui donna quatre napoléons d’or.

― Pour tes petites fredaines. Ne le dis à personne, au moins… Chut !…

Et elle remplaça dans le secrétaire le sac de peau qui tintait ; puis la grosse femme s’en alla, rieuse et en rajustant les clefs du trousseau pendu à la ceinture.

Omer comprit l’importance morale de ce don. La tante Caroline l’adoptait.

― Quand tu ne penseras plus à la prêtrise, lui conseilla-t-elle, tu pourras t’apprêter à suivre les cours de droit. Je te servirai ta pension d’étudiant à Paris. Et tu ne manqueras guère de causes à plaider ici. Je te donnerai la clientèle de la banque et des moulins. Aussi bien ton oncle Praxi-Blassans sollicitera pour toi un siège de procureur royal, si tu te déplais au barreau. Dieudonné montre du goût pour l’état d’ingénieur. Il