Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/310

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C’eût été un grand homme s’il eût vécu ; il a laissé des souvenirs inoubliables dans le cœur des femmes. Sa sœur le chérissait, et son épouse l’adora. Il faut leur donner l’affection qu’elles attendaient de lui. Si tu veux, je t’aiderai à composer des lettres très affectueuses. Je vais apprendre à maman que ma tante souffre davantage : elle la réconfortera de son côté. Nous sommes assez intelligents aujourd’hui pour remplir nos devoirs. Il faut, comme l’ordonne mon père, nous habituer à vivre noblement. Ta mère souffre par l’amour, et il n’y a pas de beauté plus haute que celle d’aimer. Nous la consolerons, va… ne deviendrai-je pas son fils, comme ton père le désira, si Denise y consent ? C’était un édouard tout autre que celui de l’année précédente : des mèches plates et noires encadraient son front pâle, sous lequel s’agitaient les saines lumières de regards presque virils. Il parla de sa petite fiancée chaleureusement. Omer nota que Denise avait plu durant un bref séjour à Paris : la tante Aurélie, vers la fin des vacances, l’y avait appelée avec Delphine. Lui ne savait rien des heureuses transformations que son cousin décrivait. Une fois l’an, pour les étrennes, sa sœur passait quarante-huit heures aux moulins Héricourt et s’y montrait peu charmante. Il ne l’aimait pas. Au reste, dédaigneuse pour Omer, elle vantait sans mesure le luxe des Praxi-Blassans. Elle se moquait trop des meubles usés, de la vaisselle ébréchée, des tapis souillés par l’incontinence des roquets. Aux moulins, ses conversations rapportaient le plus souvent celles de la duchesse de Maufrigneuse, de la marquise d’Espard ou de la duchesse de Grandlieu. Elle gardait une affreuse petite bague de cornaline parce que la marquise de Listomère la lui avait offerte, dans un bal d’enfants. Sa religion semblait de même une affectation d’aristocratie, qui l’égalerait à