Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/339

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Comme la douceur de ses bras au cou consolerait ma faiblesse qui s’exalte en vain ! J’y veux songer. Nous nous rencontrons au bord d’un ruisseau. Elle me voit pensif. Elle s’approche… Elle se précipite sur mon sein… Quelle joie de le penser !


« Quel bruit plus éternel et plus doux sur la terre
« Qu’un écho de mon cœur qui m’entretient de toi !


« Comme M. De Lamartine exprime en ces vers ce que je ressens !… Ma chair tremble de félicité, à l’imagination de cette entrevue. Dans l’émoi, ses tresses se détacheraient. La soyeuse caresse effleurerait ma joue et mes mains qui soutiendraient les frisons de sa nuque creuse. Je lui murmurerais ce vers :


« Ô néant ! Ô seul Dieu que je puisse comprendre !…


« Elle étoufferait ce blasphème atroce sous la fraîcheur de sa paume et la tiédeur de ses larmes éperdues… Dans le parc de Lorraine, nous atteindrions ainsi, passé la charmille, la colonnade circulaire autour de la vasque muette : le dauphin ne crache plus l’eau, depuis la Révolution. Là sans rien nous dire, nous nous aimerions par l’échange de nos regards. Nos cœurs goûteraient une mélancolie d’êtres faibles devant la robuste éternité de la nature ; et nos tristesses se consoleraient en savourant la douceur d’un lent désir que favoriserait un rayon de lune, l’astre des humbles et des timides, des pauvres fantômes errants… »

L’odeur du suif grésillant sur le chandelier le réveilla vers l’aube. À demi déshabillé, il se coucha, rejoua les drames de ses songes, au cours d’un nouveau sommeil. Quand il descendit en retard, la jeune fille montait déjà dans le coupé. Le bonnetier entreprit Omer immédiatement, lui fit serrer dans le portefeuille plusieurs exem-