Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/351

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tait les détails des aventures ; tantôt il pensait à l’oncle Edme, qui voyageait en Grèce et continuait la tâche de l’ancêtre, l’œuvre toujours vaincue. Tantôt il espérait les ardeurs bonasses de la servante, que parfois il allait rejoindre dans une chambre inhabitée fleurant les lavandes, les poivres et les camphres des placards ; tantôt il songeait à sa longue enfance tragique, à son enfance qui souffrit les douleurs des peuples plutôt que les douleurs de l’homme. Il contemplait le vieux Médor luttant contre le sommeil ainsi qu’un élève du père Vadenat pendant l’explication du texte philosophique grec.

― Petit, tu ne m’écoutes guère, ce me semble… Morbleu ! va te promener, si je t’ennuie ; mais, si tu restes, feins au moins de m’entendre.

― Mais si, mon parrain ! je vous assure que je suis très attentif…

― Il y paraît peu… Vraiment, les jeunes gens d’aujourd’hui ignorent les bonnes façons… Quand j’eus l’honneur de rencontrer, en 1773, à Munich, dans la loge Saint-Théodore, M. Adam Weisshaupt parmi les délégués de la maçonnerie écossaise, nous écoutâmes, chapeau bas et en silence, durant quatre heures d’horloge, un discours allemand sur la nécessité tout admise de réunir les hommes instruits afin qu’ils se traitassent en égaux. Eh bien, petit, encore que ce fût l’hiver, personne n’osa tousser, et quelqu’un ayant été pris d’une quinte, se déroba tout confus, en faisant mille excuses muettes avec son chapeau. Cependant le gros Bavarois qui parlait de l’illuminisme nous amusait à peine. Ce Weisshaupt n’était qu’un méchant professeur de droit canon à l’Université d’Ingolstadt ; il avait tout de go déformé la constitution jésuite d’Ignace et s’en serait tenu là, si les chevaliers du Liban en voyage ne l’avaient instruit de nos secrets, dont il s’enticha, qu’il arrangea selon sa manière et celle de la Sainte--