Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/421

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ne purent quitter les pontons avant 1816… À leur libération, l’un des frères mourut de la peste. Épuisé par les fièvres, vieux déjà, Joseph, le survivant, ne pensa point à risquer seul le long périple du voyage par le Cap. Il gagna les établissements javanais de sa nièce, y rétablit l’ordre des affaires. Depuis, il y demeurait, annonçant de mois en mois un retour qui ne s’effectuait point, mais expédiant des lettres de change toujours plus considérables.

En causant, Denise s’inquiéta de ces revenus. La prestigieuse générale leur avait dû ses équipages célèbres dans Paris, ses vitchouras de fourrures rares, un luxe perpétuellement renouvelé. Sur les manies du parent, l’oncle Augustin savait mille drôleries narrées par les capitaines de navires qui lui apportaient les commissions de Joseph. En mémoire de son frère, qui adorait ces sortes de bêtes, le solitaire élevait plusieurs centaines de perruches dans les volières de ses jardins. Il les éduquait afin qu’elles répétassent indéfiniment cette plainte et cette menace : « Ah ! ah ! ah ! le pauvre frère ! Il est mort… mort… Mort à l’Angleterre ! »

Le conte fit rire, parmi d’autres semblables. Obstinément Denise questionna sur les mérites administratifs du vieux corsaire. Alors le général Héricourt cita des sommes :

― Tant que ça ! tant que ça ! ― faisait la jeune fille en balançant sa jolie tête devenue fort grave.

― Mon dieu, oui : de quoi vous offrir, ma chère, quelques colliers et quelques autres petites satisfactions. Tout cela vous appartient, puisque je n’ai pas d’enfant.

― Mais si vous vous remariez ?… Ah !

Et une anxiété très vive se masqua fort mal sous l’aspect de l’enjouement.

― Hé ! ― fit le général. ― je ne suis plus très jeune.