Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/423

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fête lui sembla brillante. Il aspira l’odeur des femmes. Il flaira les nuques décolletées ; il frôla les épaules nues, se fit présenter aux jolis visages et aux rires clairs, se plut dans les glaces : il s’y contemplait, en frac sombre, de couleur ecclésiastique, en cravate blanche soutenant sa figure pâle ; elle était, ce soir-là, presque débarrassée des rougeurs et des minuscules furoncles qui gâtaient le front à l’ordinaire.

― Pourquoi es-tu morose ? ― demandait-il à Édouard, dans un coin. ― Tu as, sais-tu bien, un singulier caractère ! J’entends M. De Blacas vanter l’agrément de tes propos et la sûreté de tes citations grecques. Tu étonnes les membres de l’Institut par ton aisance à leur rappeler une période philosophique de Quintilien… Ton père est au comble des honneurs et jouit de la plus grande autorité. Vois ta mère exquise, et sa jolie tristesse. Vois ma sœur : elle est vraiment si belle que je m’en aperçois. Elle t’appelle… Tu fronces le sourcil. Serais-tu jaloux ?… Quoi ?… Quoi ?… Jaloux de mon oncle !… toi, toi ! jaloux de ce vieux militaire à cheveux gris !… Tu veux rire !… Allons la retrouver. Mais ne te confesse pas : elle te criblerait de brocards…

― Je crois qu’elle préfère la richesse et les honneurs à l’amour.

― Comment pourrait-elle ne pas marquer de la gratitude à un oncle si généreux, si bon ?

― Ah ! Fichtre, toi de même, toi de même tu succombes !… Ah ! ah ! L’émeraude est d’un bon prix !

― Tais-toi…, tu perds la raison !…

Édouard se rua dans un corridor, y disparut.

« J’avertirai Denise », pensa le frère. Il la chercha. La chaise de la jeune fille était vacante, et il n’aperçut pas le général.

Dans le temps qu’il avait employé à l’apaisement d’Édouard, l’oncle et la nièce avaient sans doute