Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/457

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coquette, gentille et repentante, quel éclair blafard jaillit soudain de ses yeux ! Comme tous ses traits se tendirent ! Presque aussitôt, elle se maîtrisa. Elle reparut une petite sœur attristée d’être en butte à de vilains soupçons, une sœur douce, plaignant le mauvais esprit de son frère, une sœur innocente et sainte, prête à intercéder auprès de la Sainte Vierge, en faveur d’un frère vicieux et méchant.

« Ah ! Pauvre Édouard ! Aime. Récite des vers à la nuit chaude. Interpelle le scintillement des étoiles. Mesure l’harmonie des poètes et les profondes pensées des moralistes afin d’accroître le sublime de ta passion… Hélas ! Tu chéris la fille du vaincu, celle qui garde dans le sang la fatalité de la faiblesse : la ruse et le mensonge… Pauvre Édouard !

« Or, quelle force que la faiblesse ! Ô vous grands saints ! Rémi qui imposas aux barbares la fraternité du Christ, qui fis baisser la tête du fier Sicambre ; Grégoire qui continuas son œuvre, qui gouvernas les Frédégonde et les Brunehaut, qui soumis, à la politesse latine la brutalité franque… Ô vous, faibles sublimes, vainqueurs des forts, vous à l’idée de qui le monde d’Occident obéit treize cents ans après votre mort de bienheureux ensevelis dans le froc ou la dalmatique… Ne ressusciterez-vous pas pour dire la puissance de la faiblesse, et l’empire de son génie sur les siècles !… »

Ainsi méditait Omer entre ses moments d’application. Plus il étudiait, plus se développait en lui la certitude qu’en tous les temps l’intelligence, comme une riposte différente et nouvelle remplaçant le glaive brisé et les muscles garrottés, était née de la réflexion des vaincus ; que, dans le cerveau du premier esclave réduit aux exercices de l’imagination, germa la première fleur de la pensée, la première intuition de la science, le premier espoir de justice. La pensée, la science et la jus-