Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/497

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— L’un de ces malheureux fréquentait chez moi ; je crains qu’on ne m’abuse…

Elle n’acheva point, regarda de tous côtés avec inquiétude, puis elle fit signe qu’il la suivît à distance. Elle était donc véritablement une héroïne des idées philosophiques, la parente ou l’amie du conspirateur qui risquait de mourir en leur nom ! Omer espéra que les événements prépareraient son triomphe d’amant sur cette déesse des livres. Il se crut maître de ce beau corps.

Afin d’y réussir, il n’épargna rien : l’ayant rejointe, il lui conta, le long des galeries de pierre, sa vie et quels parents d’importance le renseignaient sur tout. Il fit une allusion très obscure à la dépêche secrète qui lui était parvenue, relative aux affaires d’Espagne. Il jouait ostensiblement avec la breloque donnée par le général Héricourt. Malgré qu’il obéît à certaines raisons de famille, assura-t-il, son dévouement était acquis aux idées de la Révolution et aux efforts des carbonari. Il parla de Brutus, maudit Tarquin, déclara quelle ardente sympathie l’avait ému quand il l’avait aperçue triste, entre les libéraux, à la porte du Palais de Justice.

― Vous sembliez la déesse de cette morne haine qui nous animait tous ; et je vous ai suivie comme… on suit son destin…

Doutant s’il avait dit une chose absurde ou remarquable, il baissa la tête, et renforça l’apparence habituelle de sa mélancolie. La dame n’eut pas comme lui le souvenir d’avoir lu cette métaphore dans un roman de Sophie Gay, car elle parut, à travers ses sourires peureux, tout à fait surprise, troublée, navrée, puis calme. Ses yeux de cristal changèrent de nuance à quatre reprises pour se fixer au vert pâle et briller ainsi doucement.

― Il m’importe peu que vous soyez sincère, ― dit sa