Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/504

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Le lendemain, comme il récitait ses prières habituelles qu’il mêla de rêveries, il pensa tout à coup :

« Une oraison de ma pauvre mère m’a peut-être sauvé des embûches que dressait la passante du Palais de Justice. »

car maman Virginie priait pour son fils, deux ou trois fois le jour. Précisément, il avait rencontré la touchante Aquilina vers cinq heures, avait eu sa compagnie jusqu’à six. À cette phase de la journée, sa mère revenue des champs, avait coutume de se rendre à la chapelle. Elle se demandait alors quelles pouvaient être les peines de son père, d’Aurélie, de son fils et de son frère, afin de solliciter, en leur faveur, le secours de la Sainte Vierge. Cette concordance entre les heures frappa l’imagination d’Omer. Durant qu’il avait suivi l’ensorceleuse par les rues à saltimbanques, Virginie, laissant les guérets, avait dû se diriger vers le château. Céline conduisait l’âne de la petite voiture qui craquait contre les ornières sèches. Ensemble, elles avaient sans doute parlé de l’étudiant. Céline l’aimait toujours, elle qui avait offert tant de plaisirs à la malice de l’enfant, sans réclamer même une parole de reconnaissance. Il se la représentait un peu lourde et ronde, la figure épanouie de belle humeur, dans le volant jauni de sa coiffe. Elle invectivait plaisamment le baudet. Maman Virginie avait peur d’un cahot, se signait, souhaitait d’atteindre au prochain calvaire. Toutes deux avaient-elles uni leurs âmes dévouées dans le pur désir de savoir leur enfant garanti contre tous les maléfices de la tentation ? À cette heure même, l’oraison de la mère avait dû s’exalter en vœux ardents pour que le péril de nouvelles rencontres amoureuses fut écarté du jeune galant.

« Oh ! Mère, mère, que ta piété est puissante, qui sauve ton enfant à la limite de périr et sans que tu t’en doutes même ! S’écria-t-il intérieurement. »