Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/510

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’un prodigué sa vie, l’autre donné son sang. Et qui savait ce qu’eût résolu le mort de Presbourg, s’il avait pu constater le faible penchant de sa fille pour édouard De Praxi-Blassans ? Entre les heures où il arrangeait des romans autour d’Aquilina perdue, Omer raisonnait ainsi, se répétant les discours du bel oncle spirituel. Parfois les accusations du général Pithouët venaient y contredire, dans sa mémoire. L’image de cet homme colérique, gesticulant à travers l’entresol obscur, se confondait avec celle du colonel Héricourt insultant Napoléon dans le logis bas de la chaussée-D’Antin, autrefois, pour la peur du petit Omer qui se réfugiait derrière une chaise, pour les sanglots de Denise qu’emportait la bonne Céline. Et cependant le jeune homme ne pouvait se défendre d’incliner vers l’intelligence de l’oncle Augustin, vers celle du comte, au détriment de l’étroite sévérité honnête. Le buste antique de Trajan et les toiles précieuses, dans l’entresol de la rue de Bourgogne, témoignaient aussi de trop d’accommodements entre une conscience rigide et les cupidités de la guerre. Las de cette oscillation logique, Omer en revenait à son désir obstiné d’Aquilina. " quel abîme que l’âme humaine ! ― songeait-il en refermant le volume de Lamartine ; ― et quel effroi pour le jeune homme qui prétend vivre d’honneur, de gloire, d’amour !… je souffre parce que je convoite l’intimité d’une femme dont je redoute les ruses. Ma faiblesse est si grande que je reste sûr, si jamais je puis la revoir, de tomber dans ses embûches, bien qu’averti. Je me dérobe à de magnifiques délires par lâcheté, par crainte de trahir les miens dans la folie d’un embrassement. Deviendrai-je jamais l’homme fort et certain de garder prudemment un secret, même lorsque le veut connaître une beauté pantelante d’amour ?… Dieu est-il donc le seul refuge des faibles ?… ô seigneur ! La piété