Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/526

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vagissante, éperdue, effondrée dans sa robe grise et son écharpe noire, le chapeau de paille à visière tombé des genoux, les mains contenant son cœur torturé. ― Denise !… Denise ! ― implora-t-elle comme si elle l’appelait d’un pays lointain. ― Denise !… ne te souviendras-tu pas de ma tendresse ? Je t’ai élevée pour l’accomplissement d’un désir sacré !… Denise ? Alors la figure de la jeune fille se contracta vers ses lèvres, qui s’ouvrirent, se froncèrent autour des narines. Un hoquet de douleur la secoua ; elle fondit en sanglots… ― c’est donc vrai, ma fille ?… tu n’acceptes pas de réaliser le vœu de ton père ? ― cria Virginie. ― je ne peux pas ! Je ne peux pas ! ― scandèrent les sanglots. Le général s’était dressé. Du fond de la pièce, debout derrière ses cartes et ses brochures, il déclara : ― j’aime Denise comme elle m’aime… je vous demande sa main, Virginie. ― c’est infâme, c’est abominable, ô mon dieu ! Ainsi la tante Aurélie se lamentait. Elle s’affaissa dans le fauteuil, en se tordant les mains. Omer sentit fléchir ses jambes à la vue d’un si terrible désespoir… il s’indigna contre celle qui le provoquait. ― ma sœur !… Denise !… l’espérance du mort n’est donc plus sacrée pour toi ? ― je ne peux pas !… je ne peux pas ! ― scandèrent encore les sanglots de la jeune fille. Elle se cacha, suffoquant, sous le mouchoir trempé. Omer répéta sa phrase, qu’il estimait digne d’être prononcée au théâtre, imprimée dans l’histoire. Corneille en eût fait un vers… cette sensation d’artifice ne l’empêchait point de souffrir à l’unisson des autres, dans cette grande salle aux sombres lambris rougeâtres, aux sphinx d’acajou, aux muses de stuc, aux