Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/64

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chiffonnées. Grand-père Lyrisse haussait les épaules au faîte de son immense échine courbée sous la flasque redingote olive. L’oncle Edme grattait ses favoris avec rage. Grand-père Lyrisse répétait toujours la même chose :

— Philadelphes, nous jurons d’employer uniquement la force des armées françaises à la défense des Droits de l’Homme, mais il importe de les protéger d’abord contre les ennemis extérieurs ; il importe d’interdire, par tous les moyens, aux barbares le camp d’Hiram !

À quoi le bisaïeul répondait, hochant sa large tête flétrie et les anneaux de ses boucles neigeuses, enfin condamnant d’une voix solennelle :

— Napoléon sera châtié à notre heure, après les autres tyrans… ah !

Au nom d’Hiram, Omer se rappelait, combinait ses souvenirs et les paroles de la dispute. Arlequin, l’Ogre et Polichinelle, les mauvais compagnons, menaçaient donc encore les amis du bon architecte, puisqu’il fallait défendre son camp, qui était sans doute la région des temples construits par le petit claveciniste au loin, il y avait cent ans ! Mille leçons oubliées ressuscitèrent. Une clarté soudaine illumina sa mémoire… les rois assaillaient les temples d’Hiram, les temples d’égalité, de fraternité, comme l’en avait maintes fois averti le bisaïeul. Et le grand-père Lyrisse, l’oncle Edme, si beau entre les mèches de sa chevelure, tous deux étaient les soldats du bon architecte, qui revivait dans les Enfants de la Veuve, dans le parrain savant !

Pourquoi se querellaient-ils ainsi ?… Omer ne put arriver à le connaître. À l’exemple du Petit Poucet, il aima mieux rester coi. Questionner lui eût peut-être valu d’extraordinaires punitions.

Son cœur tressautait aux paroles violentes. Il contenait malaisément les larmes de sa peur. L’angoisse enflait dans sa gorge frêle ; et il craignit qu’un sanglot