Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Quel dommage ! soupira le docteur Maure, qui trouvait qu’à table la « gaudriole » assaisonne les plats ; lorsqu’on déjeune avec Cousin, qui est « bégueule », il ne reste que le « bien manger » auquel il est insensible.

— À table, Cousin est absent, ajouta Mérimée ; en revanche, vous, docteur, vous êtes doublement présent. Cousin a le mépris du sensualisme, et vous, Maure, vous n’avez que cela à l’esprit.

— On tâche de conserver intactes quelques sensivités. »

Quand Cousin l’agaçait trop par son insensibilité à la bonne chère et au bien faire, le docteur Maure lui parlait de Taine, dont il savait par cœur les phrases les plus cinglantes sur lui.

Le « philosophe » souffrait de ces critiques plus qu’aucun autre, car sa vanité était excessive. Nul n’a été plus malheureux que lui de perdre la popularité.

Ce jour-là, Cousin mangeait une poitrine de caille désossée et farcie avec un art exceptionnel. Et comme Mérimée et moi nous répétions : « C’est exquis, » Cousin, craignant de se tromper, comme sur le veau qu’on lui reprochait tant, dit à Mme  Maure :

« Ce « faisan » est délicieux ! »

Le docteur Maure bondit sur sa chaise.

« Taine a bien raison de vous trouver… vague, s’écria-t-il, vous êtes incapable d’une constatation réelle.