Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/154

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d’Armide ; le Sommeil de Renaud, et plusieurs autres morceaux que je pourrais citer, devaient assurer au nouvel opéra un succès plus grand encore que celui de toutes les productions précédentes des mêmes auteurs. Quinault, de son côté, n’avait peut-être jamais mieux réussi : le spectacle que comportait la pièce était magnifique ; rien n’avait été négligé, comme costumes, décors, etc… Tout faisait donc espérer à Lully que les applaudissements de la ville le dédommageraient de ses infortunes à la cour. Le jour de la répétition générale, bien avant l’heure fixée, Lully était à son théâtre, surveillant, inspectant tout ; car il ne s’agissait pas que de la musique ; directeur et propriétaire de l’Opéra, il ne s’en rapportait qu’à lui pour les moindres détails. Quinault, qui recevait une somme fixe pour ses ouvrages, s’inquiétait fort peu de leur sort à venir, et ne venait que rarement aux répétitions ; mais Lully était toujours là. Ce théâtre, il l’avait pour ainsi dire créé ; tous les acteurs étaient ses élèves, lui seul les avait formés, non-seulement dans l’art du chant, mais il leur avait appris à marcher, à gesticuler ; les danseurs même avaient souvent reçu de lui d’excellents conseils, et plus d’un pas avait été réglé par l’auteur de la musique sur laquelle il devait être dansé ; tous les musiciens de l’orchestre avaient reçu de ses leçons, car, avant lui, il n’y avait pas un seul instrumentiste passable en France et pas un seul orchestre n’y existait ; le premier, il y avait introduit et marié aux violons, les flûtes, les hautbois, les bassons, et même jusqu’aux tambours et aux trompettes : grâce à lui, les violonistes français