Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/264

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Rousseau n’avait pas moins d’amour-propre comme musicien que comme littérateur. Il fut vivement affecté des doutes qu’on élevait sur l’authenticité de la musique du Devin comme son œuvre à lui, et il annonça longtemps que, pour fermer la bouche à ses calomniateurs, il referait une nouvelle musique. L’année même de sa mort, en 1778, on exécuta à l’Opéra le Devin du village, non avec une musique nouvelle, mais avec une nouvelle ouverture et six airs nouveaux. Hélas ! il avait mis vingt-six ans à les composer, et ils donnèrent presque raison à ceux qui prétendaient qu’il n’était pas l’auteur des premiers. M. Leborne, bibliothécaire de l’Opéra, et mon collègue au Conservatoire comme professeur de composition, a eu la complaisance de me communiquer la partition de cette seconde édition Devin. Son examen m’a confirmé dans l’opinion que l’instrumentation de la première édition du Devin, telle pauvre et telle mesquine qu’elle soit, ne peut être de Rousseau. De 1752 à 1778, la musique avait fait de grands progrès. Monsigny, Grétry et surtout Gluck, dont Rousseau était grand admirateur, avaient fait faire de grands pas à l’instrumentation : dans la nouvelle version de Rousseau, il n’y a jamais que deux violons jouant quelquefois à l’unisson et l’alto marchant toujours avec la basse. Il est donc bien improbable que la première version ait été plus richement instrumentée que la seconde, exécutée vingt-six ans plus tard.

Le Devin du village fut repris en 1803, mais avec des récitatifs modernes et une instrumentation nou-