Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/274

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ceau de l’Orphée de M. Gluck : l’un et l’autre contiennent d’excellentes observations, et enfin deux pages sur la musique militaire, où il blâme celle de son époque, et offre comme modèles deux airs tellement ridicules qu’ils sembleraient plutôt avoir été composés par dérision que sérieusement.

J’ai omis de mentionner son Discours sur l’origine des langues qui renferme tant d’aperçus ingénieux, et où l’on trouve quelques chapitres relatifs à la musique.

Le passage suivant, où il exalte le pouvoir de la musique, est d’une appréciation très-remarquable : « C’est un des grands avantages du musicien, de pouvoir peindre les choses qu’on ne saurait entendre, tandis qu’il est impossible au peintre de représenter celles qu’on ne saurait voir, et le plus grand prodige d’un art, qui n’agit que par le mouvement, est d’en pouvoir former jusqu’à l’image du repos. »

On sait que lorsque Rousseau eut entendu les opéras de Gluck, il rétracta ce qu’il avait dit de l’impossibilité de faire jamais de bonne musique sur des paroles françaises. Cet acte de bonne foi est d’autant plus extraordinaire, que la musique de Gluck est dans des conditions diamétralement opposées à celles que Rousseau avait toujours proclamées devoir être les seules vraies. Gluck fut très-sensible à cet hommage de l’illustre écrivain : il alla souvent lui rendre visite. Peut-être une intimité allait-elle s’établir entre ces deux grands hommes, lorsqu’un jour Rousseau écrivit à Gluck, pour le prier de cesser ses visites, prétextant