Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/287

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sentait malheureux. Sa santé même commençait à s’altérer. Sa mère fut la première à s’apercevoir de ce changement.

— Nicolas, lui dit-elle un jour, tu travailles trop, tu vas tomber malade. — Non ! ma mère, je ne travaille pas plus qu’auparavant ; seulement je travaille à une chose qui m’ennuie, et j’ai renoncé à une chose qui me plaisait.

— Tu aimes donc bien la musique ?

— Si je l’aime ! oh ! mère, vous ne savez donc pas ce que c’est que la musique, pour me demander si je l’aime ? C’est que, voyez-vous, la musique, c’est, après vous, ce qu’il y a de meilleur au monde : c’est ce qui console quand on est triste, c’est ce qui donne du courage, c’est ce qui fait oublier tout ce qui est mauvais, ce qui fait penser à tout ce qui est bon, ce qui peut faire croire que l’on est heureux. Je ne puis pas faire de musique sans songer à Dieu et à vous, ma mère ; n’est-ce pas ce qu’il y a de meilleur ? Oh ! je sais bien que j’ai eu tort ; c’était pour moi un trop grand plaisir, et pendant un temps j’ai tout négligé pour cela, mais j’en suis bien puni, allez ; et si c’était à recommencer…

— Eh bien ! que ferais-tu ?

— Ah ! dame, je ferais un peu moins de musique et un peu plus de l’autre travail ; je n’aurais pas tant de peine à me mettre à celui-là, quand je saurais que je peux me délasser et me livrer à l’autre étude. Au lieu qu’à présent, c’est bien dur. Mon pauvre violon ! il est là, près de mon lit, je le regarde quelquefois les larmes aux yeux, à présent que je ne peux plus y toucher, ce