Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/288

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n’est plus que le souvenir d’un ami que j’ai bien aimé et auquel il m’a fallu renoncer !

— Mais, mon pauvre enfant, puisque tu travailles si bien d’un autre côté, est-ce qu’il n’y aurait pas moyen d’obtenir de ton père ?…

— Oh ! non, ma mère, vous le connaissez, il ne voudrait jamais. N’allez pas surtout lui demander cela pour moi ; c’est sur vous que tomberaient ses reproches ; et qui pourrait me consoler de vous avoir fait causer de la peine ? Tenez, mère, ne parlons plus de cela ; je vous promets d’être bien raisonnable et de me bien porter. J’obéirai au père et je tâcherai de ne pas être trop malheureux, même sans musique.

Cette conversation de la mère et du fils avait réveillé chez ce dernier tous les instincts qu’il comprimait depuis si longtemps. Pour la première fois, il avait trouvé un confident de sa passion, il avait pu dire tout ce qu’il ressentait. Son cœur était un peu soulagé, mais ses regrets étaient plus vifs, son désir plus violent. La nuit, il s’éveillait parfois et pensait au bonheur qu’il aurait en recouvrant cette liberté dont il avait abusé, il regrettait le temps où il lui était permis de se livrer à son goût prédominant ; cette idée constante était devenue chez lui comme une espèce de monomanie. Il ouvrait sa boite à violon avant de se coucher, il pinçait légèrement les cordes de l’instrument, il n’aurait osé y promener l’archet. La chambre de son père était trop près de la sienne, on aurait pu l’entendre. Mais le léger frôlement des cordes sous ses doigts suffisait pour l’assurer si l’instrument était